Pour les ingénieurs

Préambule


La qualité de l’électricité recouvre trois notions différentes : la continuité d’alimentation (coupures d’électricité), la qualité de l’onde de tension (phénomènes qui perturbent le fonctionnement des appareils électriques), et la qualité de service (relations avec les gestionnaires de réseaux notamment).

Il est de la responsabilité des gestionnaires de réseaux publics de garantir un certain niveau de qualité de l’électricité aux utilisateurs. Cette responsabilité est partiellement encadrée, notamment par des textes législatifs et réglementaires et par certaines clauses incluses dans les différents contrats. En cas d’évènements climatiques majeurs qui perturbent de façon exceptionnelle les réseaux, les gestionnaires de réseaux publics sont toutefois susceptibles d’être dégagés en partie de leur responsabilité, sous certaines conditions.

Parmi les évolutions récentes de cet encadrement, le dernier tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE 4), élaboré par la CRE, a notamment modifié le cadre de régulation précédemment introduit, qui incite le gestionnaire du réseau public de transport RTE et le principal gestionnaire de réseaux publics de distribution Enedis, ex-ERDF, à maîtriser leurs coûts tout en améliorant la qualité de l’électricité. Par ailleurs, différents moyens de recours sont à disposition de l’utilisateur qui s’estime lésé. Cependant, il est parfois difficile d’obtenir gain de cause.

Enfin, la CRE publie régulièrement des indicateurs portant sur la qualité de l’électricité dans ses rapports annuels et dans son rapport sur la régulation incitative de la qualité de service. Plus ponctuellement, elle contribue, également, à des rapports européens sur ces problématiques.

La qualité de l’électricité recouvre les trois notions de continuité d’alimentation, de qualité de l’onde de tension, et de qualité de service :

  • La continuité d’alimentation recouvre les coupures, ou interruptions, subies par les utilisateurs. Il existe un certain nombre de critères pour classer ces coupures, et il est notamment fait distinction entre coupures programmées et coupures non programmées, et entre coupures longues (supérieures à 3 minutes) et coupures brèves (entre 1 seconde et 3 minutes). Pour les coupures inférieures à une seconde, bien que les notions de coupure très brève ou de microcoupure soient parfois utilisées, on parle généralement de creux de tension (et cela relève alors plus de la qualité de l’onde de tension que de la continuité d’alimentation).
  • La qualité de l’onde de tension recouvre les perturbations liées à la forme de l’onde de tension délivrée par le réseau, susceptibles d’altérer le fonctionnement des appareils électriques raccordés au réseau, voire de les endommager. Différents termes peuvent être utilisés en fonction des caractéristiques de la perturbation : creux de tension, surtensions impulsionnelles, tensions hautes ou basses, variations de fréquence, papillotement, taux d’harmoniques et d’inter-harmoniques, déséquilibre entre phases, etc.
  • La qualité de service caractérise la relation entre un utilisateur et son gestionnaire de réseau, ainsi qu’éventuellement son fournisseur (délai de (re)mise en service, délai d’intervention d’urgence, délai de raccordement, notification de coupure programmée, tenue des horaires de rendez-vous, etc.).

Le réseau électrique français étant en courant alternatif, l’onde de tension délivrée par le système électrique prend idéalement la forme d’une sinusoïde de fréquence constante – 50 Hz en France – et d’amplitude constante – 230 V (en monophasé) ou 400 V (en triphasé) pour la valeur efficace en basse tension par exemple. Mais, dans les faits, l’onde de tension n’est jamais parfaitement sinusoïdale, la fréquence et l’amplitude de cette onde varient en permanence, et peuvent parfois s’écarter significativement de leurs valeurs de référence. Si les « imperfections » de l’onde de tension sont trop marquées, le fonctionnement de certains appareils électriques raccordés au réseau – installations de production, appareils domestiques, machines industrielles, etc. – peut s’en trouver perturbé. Dans les cas les plus extrêmes, cela peut aller jusqu’à l’impossibilité de fonctionner pendant la durée de la perturbation, à des dommages matériels de long terme, voire, plus rarement, à dégâts matériels instantanés.

Le tableau suivant présente une classification possible des différents types de perturbations. Il est à noter qu’aucune classification ne fait actuellement référence, et d’autres notions peuvent être parfois utilisées : variations rapides de tension, surtensions temporaires, etc. Il faut noter, également, que l’impact à long terme de ces différents types de perturbations sur la durée de vie des appareils électriques reste aujourd’hui assez méconnu. Précisons enfin qu’en langage courant le terme « tension » fait le plus souvent référence à la valeur efficace de l’onde de tension (la valeur efficace d’une sinusoïde parfaite est égale à la valeur maximum de la sinusoïde divisée par √2), ou à une moyenne de la valeur efficace sur une certaine durée (pour une onde imparfaitement périodique, la valeur efficace n’a de sens que localement, pour un intervalle de temps suffisamment court), et non à la valeur instantanée de la tension (qui oscille autour de 0 V avec une période de 20 ms).

Perturbation Définition Conséquences possibles
Creux de tension Effondrement bref de la valeur efficace de la tension – de quelques dizaines de millisecondes à quelques seconde(s) Micro-coupures, altération du fonctionnement de certains appareils électriques
Surtension
impulsionnelle
Pic bref ou très bref de la valeur efficace de la tension, ou de la valeur instantanée de la tension Altération du fonctionnement de certains appareils électriques, dommages potentiels à long terme, dégâts matériels instantanés dans certains cas extrêmes
Papillotement Fluctuations rapides et relativement faibles de la valeur efficace de la tension Variations de l’intensité de l’éclairage, gêne visuelle, inconfort physiologique
Tension basse Valeur efficace de la tension (moyennée sur plusieurs secondes à quelques minutes) durablement inférieure au(x) seuil(s) admis – typiquement 90 % de la tension nominale Altération du fonctionnement de certains appareils électriques
Tension haute Valeur efficace de la tension durablement supérieure au(x) seuil(s) admis – typiquement 110 % de la tension nominale Altération du fonctionnement de certains appareils électriques, dommages potentiels à long terme
Fluctuation de
la fréquence
Ecart de la fréquence par rapport à sa valeur de référence – 50 Hz en France Peu d’impact sur les installations tant que les variations de la fréquence restent limitées
Harmoniques et
inter-harmoniques
Signaux parasites de fréquence multiple de 50 Hz (harmoniques) ou de fréquence quelconque (inter-harmoniques) Altération du fonctionnement de certains appareils électriques, perturbation de signaux, notamment tarifaires
Déséquilibre Différences entre les valeurs efficaces des trois phases Altération du fonctionnement de certains appareils électriques triphasés

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L’encadrement de la qualité de l’électricité pour les utilisateurs des réseaux de distribution

Pris en application de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, elle-même reprise par le code de l’énergie (articles L. 321-18 et L. 322-12 du code de l’énergie), le décret n° 2007-1826 du 24 décembre 2007 , relatif « aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité », ainsi que ses arrêtés d’application, introduisent des seuils à respecter par les gestionnaires de réseaux publics sur la continuité d’alimentation et le niveau de tension. Ces seuils sont uniquement destinés aux utilisateurs des réseaux de distribution, étant donné que les seuils s’imposant au gestionnaire du réseau de transport RTE ne s’appliquent qu’au niveau des postes sources, qui alimentent les réseaux de distribution.

Textes réglementaires Avis de la CRE correspondants
Décret n° 2007-1826 du 24 décembre 2007 Délibération du 11 octobre 2007
Décret modificatif n° 2012-1003 du 28 août 2012 Délibération du 6 mars 2012
Arrêté du 24 décembre 2007 Délibération du 11 octobre 2007
Arrêté modificatif du 18 février 2010 Délibération du 14 janvier 2010
Arrêté modificatif du 4 octobre 2012
et
arrêté modificatif du 7 janvier 2013
Délibération du 6 mars 2012
Arrêté modificatif du 16 septembre 2014 Pas d’avis de la CRE (absence de saisine)

Le tableau, ci-dessous, présente les différents seuils introduits par les textes réglementaires en question. On y trouve des seuils « globaux », qui portent sur le pourcentage d’utilisateurs « mal alimentés » par département et par concession, et des seuils « locaux », qui s’appliquent en tout point de connexion sur les réseaux publics de distribution, et au niveau des postes sources sur le réseau de transport. Le niveau de ces seuils est indiqué dans l’arrêté du 24 décembre 2007 modifié, accessible via le lien ci-dessus.
Le non-respect de ces seuils entraîne, a priori, l’obligation pour le gestionnaire de réseau de remédier au problème.

Dans ses avis successifs, la CRE a jugé ces textes réglementaires largement insuffisants, considérant qu’ils auraient dû, notamment, imposer davantage d’obligations pour les gestionnaires de réseaux publics et offrir davantage de garanties pour les utilisateurs.

L’abattement tarifaire en cas de coupure longue de plus de 6 heures

Conformément aux dispositions du I de l’article 6 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 , la part fixe du tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité (TURPE) faisait l’objet, avant la publication du décret modificatif du 11 décembre 2014 , d’un abattement forfaitaire de 2 % en cas d’interruption de fourniture supérieure à 6 heures imputable à une défaillance du réseau public de transport ou d’un réseau public de distribution.

Ainsi, l’abattement s’établissait à 2 % de la part fixe du prix annuel d’accès aux réseaux pour une coupure comprise entre 6 heures et 12 heures, à 4 % pour une coupure comprise entre 12 heures et 18 heures et ainsi de suite par période entière de 6 heures.

Tous les utilisateurs bénéficiaient automatiquement de cet abattement sans qu’il ne leur soit nécessaire d’en faire la demande.

Dans sa décision tarifaire TURPE 4 HTA/BT du 12 décembre 2013 , entrée en vigueur le 1er janvier 2014, la CRE a complété ce dispositif en prévoyant le versement par la société Enedis, ex-ERDF, aux utilisateurs raccordés aux réseaux qu’elle gère d’une pénalité de 20 % du montant annuel de la part fixe du TURPE par période entière de 6 heures d’interruption. La CRE a par ailleurs repris dans sa décision l’abattement prévu par le décret précité, pour les autres gestionnaires de réseaux. En revanche, ces pénalités ne s’appliquent pas pour les interruptions causées par des travaux sur les réseaux et pour celles occasionnées par un incident sur le réseau public de transport.

Le décret du 11 décembre 2014 ayant abrogé l’abattement prévu par le décret du 26 avril 2001, les gestionnaires de réseaux ne sont donc soumis qu’aux dispositifs prévus par la décision de la CRE précitée, qui prévoit des pénalités de 20% ou de 2 % de la part fixe du tarif d’utilisation des réseaux, respectivement pour Enedis, ex-ERDF, et pour les ELD.Ce mécanisme permet de compenser une partie de l’éventuel préjudice subi par l’utilisateur en cas de coupure très longue.

Le versement de pénalités et d’abattements aux utilisateurs ne les prive pas de la faculté de rechercher la responsabilité de leur gestionnaire de réseau public selon les voies de droit commun.

L’incitation à une meilleure continuité d’alimentation et qualité de service

Les 3èmes tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE 3) ont introduit un cadre de régulation qui incite financièrement le principal gestionnaire de réseaux publics de distribution Enedis, ex-ERDF, et le gestionnaire du réseau de transport RTE, par un système de bonus/malus, à maîtriser ses coûts et à améliorer la qualité de service et la continuité d’alimentation.

Les mécanismes incitatifs intégrés au TURPE 3 ont été reconduits et renforcés dans le cadre du TURPE 4. De nouvelles incitations financières ont été introduites pour Enedis, ex-ERDF, et les cibles et montants des incitations ont été renforcés. En outre, le dispositif de régulation incitative de la qualité de service a été étendu aux ELD d’électricité de plus 100 000 clients et à EDF SEI.

Les prescriptions techniques en matière de qualité d’alimentation lors du raccordement

La réglementation définit un certain nombre de prescriptions techniques que doivent respecter les utilisateurs d’un réseau public préalablement à leur raccordement. Ces prescriptions garantissent, notamment, que les perturbations induites par les utilisateurs des réseaux publics restent limitées.

Les contrats d’accès aux réseaux font partie d’un ensemble contractuel plus vaste permettant in fine l’accès au réseau. Ces contrats précisent les caractéristiques techniques de l’accès et comportent, notamment, des engagements portant sur la qualité de l’électricité.

En règle générale, même si les petits consommateurs ne signent pas directement de contrat avec leur gestionnaire de réseau de distribution, il existe bien des engagements contractuels de part et d’autre : ceux-ci sont entérinés via le contrat de fourniture. Pour la majorité des petits consommateurs, ces engagements sont décrits dans les Conditions Générales de Vente de leur contrat, ou en annexe 3 du contrat GRD-F entre Enedis, ex-ERDF, et un fournisseur d’électricité.

Le tableau, ci-dessous, présente les engagements standards portant sur la continuité d’alimentation et la qualité de l’onde de tension que l’on trouve dans les modèles de contrats d’accès au réseau proposés par RTE (Contrat d’Accès au Réseau de Transport – CART) et ERDF (Contrat d’Accès au Réseau de Distribution – CARD), pour les clients consommateurs. Les engagements pour les clients producteurs en diffèrent quelque peu, notamment en ce qui concerne la continuité d’alimentation.

En règle générale, le non-respect de ces engagements par le gestionnaire de réseau donne lieu à une indemnisation de l’utilisateur.

Au-delà de ces engagements standards, contreparties du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), certains utilisateurs peuvent souscrire des prestations complémentaires, par exemple sur les creux de tension pour les consommateurs raccordés aux réseaux moyenne et haute tension.

Ainsi qu’on peut le voir, les engagements explicites des gestionnaires de réseaux publics sont relativement restreints, et, d’ailleurs, ces engagements ne sont pas toujours strictement respectés. Des recours sont possibles pour tout utilisateur qui s’estime lésé, même si le préjudice n’est pas couvert par les dispositions des contrats ou des textes réglementaires, par exemple sur la base de l’article L121-1 du code de l’énergie qui stipule que le « service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique ». Toutefois, il ne sera pas toujours aisé d’obtenir gain de cause.

Les interlocuteurs à privilégier sont :

  • le gestionnaire du réseau de l’utilisateur, qui peut de lui-même prendre des mesures correctrices pour remédier au problème et/ou proposer une compensation (il s’agit d’Enedis, ex-ERDF, pour la plupart des utilisateurs),
  • le médiateur national de l’énergie, pour les petits consommateurs uniquement,
  • le comité de règlement des différends et des sanctions ( CoRDiS) de la CRE,
  • les tribunaux compétents.

L’appréciation de la qualité de l’électricité doit reposer autant que possible sur des éléments quantifiés et vérifiables. Dans le cadre de ses missions la CRE apporte une vigilance particulière à l’appréciation objective de la qualité de l’électricité.

À ce titre la CRE publie régulièrement un certain nombre d’indicateurs portant sur la qualité d’alimentation électrique notamment dans ses rapports annuels .

Dans ces ouvrages, la CRE a régulièrement déploré une dégradation de la qualité de l’électricité sur les réseaux publics de distribution d’électricité, marquée notamment par l’augmentation de la durée moyenne de coupure. La CRE, soucieuse de cette dégradation de la continuité d’alimentation, a conduit une étude spécifique sur ce point. Le rapport de la CRE d’octobre 2010 intitulé « Rapport sur la « Qualité de l’électricité » : Diagnostics et propositions relatives à la continuité de l’alimentation en électricité » , issu de ces réflexions, se focalise sur la dégradation de la continuité d’alimentation des réseaux publics de distribution en situation normale ainsi que sur leur robustesse face à des évènements climatiques exceptionnels.

Il faut toutefois noter une tendance à l’amélioration du temps moyen de coupure ces toutes dernières années ainsi que l’illustre le graphique ci-dessous. Ainsi, le petit consommateur a été coupé en moyenne 100 minutes en 2013, et 67 minutes en 2014, toutes coupures confondues. Cette durée moyenne de coupure cache cependant d’importantes disparités entre les utilisateurs, illustrées par la carte ci-dessous, et qui s’expliquent notamment par le fait que les réseaux sont naturellement plus « robustes » en zone urbaine. Enedis, ex-ERDF, indique sur son site le temps moyen de coupure annuel par région pour les utilisateurs desservis par les réseaux qu’il gère.

Par ailleurs, la CRE a publié en 2015 une nouvelle version de son rapport sur la régulation incitative de la qualité de service des gestionnaires de réseaux électriques et gaziers . Ce rapport montre que la qualité de service est globalement bonne voire s’améliore dans certains cas, mais qu’il existe toutefois des marges de progression dans certains domaines telles que les délais de raccordement et de mises en service, en gaz comme en électricité.